Le projet « Des livres en communs » de Framasoft vise à transformer complètement cette relation du lecteur, de l’auteur, mais aussi de l’éditeur et du libraire au livre.
C’est la nature marchande qui soumet auteur et autrice, lecteur et lectrice au système de distribution. C’est en tant que « capital » culturel commun que l’œuvre pourra désormais entrer (ou pas) dans un système de distribution. « Des Livres en Communs » propose donc ce premier pas décisif de l’entrée de l’ouvrage dans les communs. Cela contribue à l’enrichissement de la collectivité qui pourra en profiter comme bon lui semble.
Nous ne verserons pas de paiement lié aux ventes puisque nous ne ferons pas de ventes. Le livre sera en téléchargement libre sur notre site. En revanche, cela n’exclut pas pour l’auteur ou l’autrice une possible rémunération de ce type avec d’autres partenaires que Des Livres en Communs.
Le système actuel exclut de plus en plus les auteurs et autrices des revenus liés aux livres publiés à partir de leur travail. Le droit d’auteur ne leur octroie qu’une part très faible, leur statut n’est aucunement reconnu, certains éditeurs estimant même que l’activité d’écrivain n’avait nullement vocation à être professionnelle, nous mettons en évidence un véritable travail et souhaitons donc le faire reconnaître en tant que tel. Rappelons que c’est là une idée fort ancienne, vu que Jean Zay avait proposé en son temps une loi qui allait en ce sens, et donc à l’encontre du droit d’auteur tel qu’il fonctionne aujourd’hui.
Avec Des Livres en Communs, nous poussons plus loin le curseur. Il sera toujours obligatoire pour un éditeur tiers, s’il veut éditer, publier et distribuer l’œuvre, de passer un contrat avec l’auteur. Mais nous, de notre côté, nous effectuons un accompagnement et le contrat que nous passons alors concerne cet accompagnement jusqu’au versement de l’ouvrage dans les communs culturels. Nous voulons ainsi que soient produits des communs culturels et promus de nouveaux types de modèles économiques.
Nous mettrons en avant de façon active ce commun par la proposition systématique de placer le résultat du travail sous une licence dite copyleft (Licence Art Libre, GNU FDL ou Creative Commons BY SA) afin d’en éviter qu’il puisse faire l’objet d’une appropriation (une enclosure) à l’avenir, même partielle.
Le fait d’utiliser une licence libre permet à l’auteur ou l’autrice de conserver l’assurance que la « paternité de l’œuvre » ne sera jamais perdue ou usurpée et que la distribution de l’œuvre reste éternellement possible sous la même licence. Ceci par exemple pour permettre à l’auteur de mener des projets annexes ou collatéraux à son œuvre pour peu que l’envie ou les opportunités le permettent. Traductions, adaptations ou déclinaisons deviennent possibles à loisir, offrant autant de sources de revenus possibles, ou pas, selon les possibilités éditoriales et les envies.
Nous avons depuis toujours mis en avant la culture dite libre, par l’usage de licences de ce type, et nous avons souhaité pousser plus loin en allant plus nettement sur le terrain des communs. Il s’agit de créer un espace où les biens culturels sont protégés contre les enclosures, comme les copyrights. En d’autres termes, cela empêche de considérer ces biens culturels comme des biens privés dont l’accès serait restreint. Ils appartiennent à toutes et tous, pour peu qu’on ait le désir de s’en emparer ou de s’y intéresser. C’est le rapport spontané des enfants, qui s’approprient leurs découvertes dans leurs jeux, dans leurs récits, dans leurs dessins… Et qui n’imaginent pas que se déguiser en leur héros favori pour un événement public tombe sous le coup de la loi pour contrefaçon.
C’est donc l’usage qui est placé au cœur du rapport à la culture et non plus la propriété. Comme la culture façonne notre rapport au monde et aux autres, nous pensons crucial de défendre une approche autre qu’industrielle et capitaliste à celle-ci.
La construction d’un modèle économique alternatif à ce qui existe, est un objectif mais aussi une expérimentation. Nous ne pensons pas révolutionner le monde de l’édition avec nos bien modestes moyens. Il s’agit avant tout de faire prendre conscience que l’on peut remettre en question le modèle existant, peu satisfaisant pour les auteurs et autrices, mais encore plus pour les libraires et pas mal d’éditeurs et d’éditrices. La tendance de plus en plus accrue à l’industrialisation du monde de l’édition les soumet au dictat des très grands groupes d’édition et de distribution.
Nous espérons donc montrer qu’il y a d’autres façons de penser l’édition, le livre et la culture. Nous ne cherchons pas à démontrer que nous avons la panacée. Nous espérons simplement alimenter une réflexion et proposer un dialogue à celles et ceux qui sont, comme nous, en quête d’alternatives crédibles et viables.
Quelle relation le lecteur a-t-il avec le livre ? Le faire imprimer n’est-il pas très cher pour lui ?
Nous travaillons à la réalisation d’un format numérique de qualité, et à une mise en avant des sources plus nettes, afin d’en faciliter la réutilisation. Nous avons décidé d’arrêter de produire une version papier nous-mêmes car nous n’avons pas les moyens humains et techniques de le faire d’une façon efficace (même si les Framabooks n’avaient rien à envier à certaines éditions, disons, moins regardantes).
Nous avons cherché à créer une chaîne éditoriale en essayant de multiples outils et formats (toujours libres, bien sûr), LaTeX, markdown, LibreOffice, chaîne automatisée pour créer des PDF, etc. Un très grand nombre de solutions ont été explorées... Mais c’est en fonction du contenu et de la liberté de l’auteur que nous devrons adapter la chaîne. Là aussi notre effort consiste à nous adapter à l’auteur et non l’inverse. Les possibilités offertes par le format numérique sont étendues : selon le type d’œuvre on peut imaginer pour el lecture de multiples moyens de s’approprier le contenu. On peut mettre de l’audio dans un contenu epub par exemple, et pourquoi pas ?