Pouvez-vous nous préciser ces responsabilités ?
Comme le mouvement des AMAP a un fonctionnement horizontal et s’appuie sur les principes de l’éducation populaire, le MIRAMAP n’est pas au-dessus des réseaux locaux et des AMAP. Son rôle est de rassembler, d’assurer la cohérence, d’animer, d’aider à la mutualisation et aux échanges de pratiques. Je fais partie d’un collectif d’une quinzaine d’administrateurs élus de toutes les régions de France. On emploie 2 salariées, on est en charge d’élaborer avec l’ensemble du mouvement le projet stratégique, l’animation de 5 groupes de travail et de deux commissions. En France, on compte environ 2300 groupes AMAP et 3700 fermes en AMAP ce qui fait 250 000 mangeurs. Il y a une vingtaine de salariés en tout dans l’ensemble des réseaux régionaux.
Pouvez-vous nous raconter l’origine de ce mouvement, ses buts, son évolution, sa composition sociologique et ses partenaires actuellement ?
Concrètement la première AMAP a été créée à Aubagne en 2001 lors d’une réunion sur la mal bouffe avec un couple de paysans, les Vuillon, qui avaient vu une CSA (Community Supported Agriculture) fonctionner aux USA.
Le MIRAMAP s’est construit ensuite en 2010 sur l’impulsion des réseaux régionaux, constitués au fur et à mesure pour renforcer la cohésion des AMAP de leur territoire. Il s’est immédiatement lancé dans l’écriture collective de la Charte2 de 2014. Il anime aujourd’hui un réseau de plus de 2 000 AMAP et d’une quinzaine de réseaux territoriaux. Il travaille surtout avec les militants et salariés des réseaux locaux qui sont ancrés sur le terrain auprès des AMAP « de base ».
Notre but est de changer le système et nous n’y arriverons pas seul. Donc le MIRAMAP lutte avec d’autres : avec le Pôle InPact (10 structures agricoles alternatives), le collectif Nourrir (54 associations) où nous travaillons au plaidoyer, en ce moment dans le cadre de la future Loi d’Orientation Agricole. Avec le CTC (Collectif pour la Transition Citoyenne), le MES (Mouvement de l’Economie Solidaire), le Collectif SSA, nous soutenons les Soulèvements de la terre. Nous sommes dans un écosystème de mouvements alternatifs et de lutte pour des transitions, ruptures, pour autre projet de société, un autre monde …
Voir notre site pour plus de détails https://miramap.org/
Nous avons la même analyse qu’avant sur les crises, nous voulons un revenu paysan pour protéger l’environnement et produire une alimentation saine et durable, c’est ce que nous faisons dans nos AMAP depuis 20 ans.
La co-gestion de la FNSEA et des divers gouvernements est toujours favorable aux 20% des agriculteurs qui raflent 80% des paiements directs de la PAC versés à l’hectare. Ce syndicat, manipulateur avec ses adhérents de base, choisit d’éliminer l’agriculture paysanne, la bio et les mesures environnementales que veut la société civile. Nous, nous voulons le pluralisme dans les instances de décisions agricoles où des citoyens doivent siéger pour que l’agriculture soient dirigées pour l’intérêt de tous et non pour le profit de quelques-uns. Nous voulons la démocratie alimentaire dans les territoires par des Conseils alimentaires communaux et régionaux, pluralistes représentant l’intérêt général des habitants. Nous voulons l’arrêt du libre-échange et des régulations européennes plus fortes pour garantir des revenus décents à tous les paysans du monde.
Qu’en dites-vous ? Quelle est la sociologie des AMAP ?
Le problème n’est pas économique mais culturel, basé sur le décalage entre l’immédiateté du plaisir de manger et la temporalité de la croissance des légumes ou des animaux dans les fermes. Pour s’engager en AMAP, il faut payer en début de « saison » pour l’année à venir et cet engagement est difficile pour les personnes en situation de précarité. Pendant la crise du COVID, certains paysans ne pouvaient plus vendre sur les marchés de plein vent, les aides alimentaires n’étaient plus distribuées et de nombreuses AMAP, qui œuvrent, par principe, à la logistique de la vente directe des paysans, ont lancé des actions de solidarité et d’inclusivité.
Le MIRAMAP a démarré ensuite un chantier sur l’accessibilité à l’alimentation et rédigé un guide « Agir en AMAP pour un accès de tous à une alimentation durable et choisie » pour aider les AMAP à aller vers le public précaire. C’est une exigence pour nous, nous sommes engagés aussi pour changer la société !
Donc nous continuons à sensibiliser, à mobiliser, à structurer notre mouvement, à nous élargir sans compromis qui affaibliraient notre identité et nos valeurs, à être plus forts en alliance avec d’autres. Nos mouvements alternatifs d’éducation populaire ont besoin aussi de créer le rapport de force avec « nos ennemis ».
Comment se positionnent les AMAP, au plan global ou localement, vis-à-vis de ce projet ?
Nous sommes vivement interpellés par le projet de SSA, mais les modèles sont différents. Les AMAP partent de la défense de l’agriculture paysanne et de son lien avec les mangeurs. La SSA part du droit à l’alimentation. Ça se rejoint dans la volonté de démocratie alimentaire territoriale.
L’expérimentation de SSA la plus aboutie que je connaisse est celle du CLAC3 de Cadenet, dans le Vaucluse, dans lequel l’AMAP locale joue un rôle important. Le financement de la Fondation de France fait fonctionner une Caisse SSA, les bénéficiaires tirés au sort touchent 150 € par mois pendant deux ans. Sont conventionnés l’AMAP local (à 100 %), un magasin de producteurs (à 70% des produits) et une épicerie locale (à 50 %).
Certaines AMAP ont un prix de panier fixé en fonction du quotient familial, sans contrôle. Des AMAP et réseaux montent des projets solidaires avec des tiers financeurs publics ou privés pour inclure des familles à petits budgets avec l’aide des Centres Sociaux et des collectivités territoriales. En Hauts-de-France : P.A.N.I.E.R.S est un projet, au départ financé par des collectivités locales, pour la création d’un fonds de dotation de solidarité alimentaire via les AMAP et les paysans bio de la région.
Les paysans sont en butte avec les grandes surfaces qui les ruinent. Par exemple, il vaudrait mieux que les produits conventionnés par les Caisses SSA ne soient pas vendus dans ces lieux parce que nous souhaitons décourager les mangeurs d’y mettre les pieds. Il y a encore beaucoup de questionnements à régler, le débat est riche.
Ces deux projets divergent déjà dans la temporalité, les AMAP sont là et la réalisation de la SSA est assez lointaine pour le moment. Le principe d’universalité est impossible à réaliser sans une loi, l’obtenir ne sera pas facile.