Refonte de l’action publique et démocratie
Publié le 27 novembre 2024 par clem.alx

 

Européenne, législatives 2024 : le mouvement social citoyen s’est fortement mobilisé, mais il apparait clairement que l’extrême droite se trouve aux portes du pouvoir ! Le mouvement politique porteur de transformations sociales, écologiques et citoyennes n’est pas prêt à y répondre, par de vraies propositions de transformation de la société, par des capacités à fédérer un mouvement social dans ce sens. Le programme des forces de gauche, le programme du NFP reste essentiellement redistributeur et ne porte presque aucun changement de société.
Comme le souligne Benoît Hamon dans ce N° : la société civile ne mesure pas le pouvoir qu’elle porte et les forces politiques transformatrices ne peuvent affronter les contraintes du réel qu’en s’appuyant sur la société civile, ses idées et propositions.
Alters Média explorera dans les prochains N° de 2024 2025 les voies de la refonte de l’action publique et de la démocratisation de notre société. Ce N° d’octobre 2024 en particulier :
• Présente, dans le cadre d’un accord avec les porteurs du projet Escape (Économie Solidaire, Co-construction, Action Publique Émergente), la synthèse de 9 études de cas ou expériences de co construction de l’action publique : La revue à ce sujet n’a eu aucun rôle dans cette recherche et n’est ici qu’éditrice.
• Anime la discussion autour de ce thème avec des acteurs de la vie sociale et politique : Benoît Hamon (Président d’ESS France), Jean-Louis Laville (coordinateur de la recherche Escape), Benjamin Coriat, Philippe Eynaud, Laurent Fraisse, Marie Catherine Henry...
• Élargit la discussion par la présentation d’expériences de transformation sociale (dont en Espagne avec le débat entre l’ancien ministre Joan Subirats et le professeur César Rendueles ; mais bien sûr beaucoup d’autres).
 

Action publique et démocratie

Le mouvement pour la co construction de l’action publique témoigne du dynamisme de la société civile et de son aspiration à exercer le pouvoir et à se diriger par lui-même, qui lui est en principe reconnu par la démocratie « moderne », mais fondamentalement refusé en pratique. N’est-il pas naturel dans une démocratie réelle, que la population ait le pouvoir d’agir dans l’espace public ? N’est-ce pas l’objet même de la démocratie que de permettre aux population l’exercice de ce pouvoir de décision et de conception de l’action publique et de l’organiser ?
Pour Benoît Hamon dans ce N°, « L’ESS est légitime à revendiquer le principe de co décision dans ses rapports de co construction avec le service public ».
Cela ne devrait-il pas être l’objet même de la co construction de l’action publique, que de créer à différents niveaux et par l’établissement des rapports de forces nécessaires, les conditions de cet exercice du « pouvoir du peuple, pour et par le peuple » qui est l’essence même de la réelle démocratie ?
Certes, la nature de la société actuelle que l’on peut baptiser de « démocratie représentative » est aux antipodes de cette conception qu’il faut construire (c’est ce à quoi nous voulons nous attacher dans les prochains N°). Mais les expériences de co construction ne devraient pas être bridées par une vision « acceptable » par les autorités en place ; il faut au contraire leur donner la perspective d’une construction démocratique de la démocratie « dans sa plénitude ».
Benoît Hamon précise : « Pour desserrer la mâchoire » dans lequel se situe des forces politiques engagées et transformatrices, et « pour sortir du cadre, la seule manière est de donner à la société civile la capacité d’enclencher les transformations sociales et de leur en donner la légitimité que la situation condamne ».
 

Se renforcer mutuellement dans cette action

Alters média, dans la mesure de ses moyens et en lien avec le mouvement social civil et civique, s’est fixé comme objet et comme ligne générale de contribuer à l’enquête sur les voies principales par lesquelles peuvent s’engager de telles transformations ; et de contribuer à l’union du mouvement transformateur.
Les enquêtes ont récemment porté sur la recherche-action participative (2023) ; la Sécurité Sociale de l’Alimentation (avril 2024) ; le courant général des Communs (avril 2024). Dans ce numéro ci, nous traitons d’une proposition de financement de la « transformation écologique et sociale » compatible avec son objet, de la généalogie de la domination patriarcale, ainsi que
de la co construction de l’action publique. Elle nous conduit à discuter des rapports entre acteurs du mouvement social, et en particulier entre ESS et Communs.
• L’expérience de l’économie solidaire, des coopératives engagées et des associations citoyennes, est fondamentale par leur apport pratique ; et leur volonté de dépasser le simple cadre de l’entreprise à statut pour aller vers une approche plus large serait positive ;
• Les communs apportent leur vision et leurs perspectives écologiques globales et pragmatiques qui font partie de leur ADN, leur approche de la société globalement dans toutes ses dimensions politiques, juridiques, numériques, économiques.
Ce débat doit être poursuivi, comme l’ont exprimé les débatteurs : « Il n’y a pas d’un côté les communs, de l’autre l’économie sociale et solidaire (...) les convergences méritent d’être explicitées »1. Mais notons que les convergences de mouvements ne sont abouties que lorsque les transformations culturelles que chacun des protagonistes portent en eux aura infusé dans la culture des autres parties. Vaste programme donc !

Didier Raciné,
Rédacteur en chef d’Alters Média
23 septembre 2024